Camille Froidevaux-Metterie, connue pour ses nombreux essais féministes, délaisse la philosophie pour nous offrir un premier roman d’une sensibilité remarquable. Pleine et douce a pour thème principal le féminisme sous différents prismes. La philosophe explore la fiction pour analyser la condition féminine contemporaine à travers le regard d’une famille. Découvrez mon avis sur ce premier livre, qui nous plonge dans une réflexion profonde sur le corps des femmes et les expériences intimes qui façonnent l’existence.

Pleine et douce
Autrice : Camille Froideveaux-Metterie
Editeur : Editions Sabine Wespieser
Genre : Roman contemporain
Prix : Finaliste du Prix Roman France Télévisions 2023
Nombre de pages : 208 pages
Résumé du livre : Camille Froidevaux-Metterie raconte avec une grande finesse cette constellation féminine, afin de célébrer la naissance de la petite fille Eve, née par PMA. Tout le roman est construit autour de l’enfant et de son baptême. Alors que tout l’entourage s’active pour la préparation de la grande fête tant attendue, rien ne se passe comme prévu. Tandis que Stéphanie et Jamila, la nounou d’Ève, s’activent. L’autrice, quant à elle, nous entraine d’une voix à une autre, pour nous raconter l’intimité de ces femmes.
Il doit être tôt, « pourquoi si tôt ? », me demande-t-elle parfois de sa voix endormie.
Incipit de Pleine et douce de Camille Froidevaux-Metterie
Résumé de ma critique
Pour celles et ceux qui n’auraient pas le temps, ou juste la flemme, de tout lire
📖 Histoire
– Le baptême de la petite Eve devient le prétexte d’une exploration profonde et nuancée de l’expérience féminine.
– Un roman choral pour une rencontre avec une famille loin des représentations traditionnelles.
– Une écriture délicate et entraînante au service du combat féministe.
👥 Personnages
– La petite Eve, prend la parole à la première personne du singulier.
– Le portrait de plusieurs générations de femmes.
– Greg, co-parent, et le seul personnage masculin.
👀 Thématiques
– Le roman aborde des sujets encore tabous : PMA, règles, ménopause…
– L’émancipation et la libération du corps, ainsi que sa place dans le monde son au centre de ce roman.
– Une maternité et une parentalité alternatives sont envisagés.
💖 Un premier roman que j’ai tout simplement adoré, et qui s’invite dans mes pensées malgré que cela fasse quelques années que je l’ai lu.
Une poésie du quotidien
Dans son premier roman, Pleine et douce, la professeure de science politique à l’Université de Reims, nous livre une œuvre d’une grande finesse. Au cœur de ce récit se trouve un événement apparemment ordinaire : le baptême d’Ève. Tandis que celui-ci devient le prétexte d’une exploration profonde et nuancée de l’expérience féminine dans toute sa complexité.
L’écriture de l’autrice se déploie comme une caresse, une musique libre et joyeuse. Les phrases, tantôt courtes et incisives, tantôt amples et sinueuses, épousent parfaitement les pensées des personnages. La romancière nous fait voyager au sein d’une famille loin des représentations traditionnelles. Elle dessine les contours d’une constellation féminine où chaque voix compte, où chaque expérience résonne avec les autres.
La structure narrative, qui passe d’un personnage à l’autre, nous permet d’avoir une vision globale des différentes perspectives. Elles se complètent et s’enrichissent mutuellement. Ce choix traduit brillement le message entre les lignes. C’est-à-dire, qu’il n’existe pas une expérience féminine, mais des expériences, toutes singulières et universelles à leur façon.
Un chœur de femmes inoubliables
Les personnages principaux sont multiples dans ce récit, avec tout d’abord la plus surprenante : la petite Ève. Ce bébé prend la parole dès le début du récit à la première personne du singulier. Par ce choix audacieux, l’autrice donne la parole à cet être de quelques mois, doté d’une conscience étonnamment lucide sur le monde qui l’entoure. Cette perspective inédite nous rappelle que l’expérience féminine commence dès les premiers instants de vie.
Autour d’Ève gravitent des femmes de plusieurs générations, chacune porteuse d’une histoire unique. Stéphanie, mère et cheffe de cuisine, incarne une maternité non conventionnelle. Les autres personnages féminins : des tantes, sœurs, grand-mère, nièce, amies. Elles apportent chacune un parcours différent mais tous marqués par l’expérience du corps féminin, de ses joies et de ses épreuves. Greg, le père, seul personnage masculin de ce texte, participe à bousculer le modèle traditionnel du patriarcat.
Ce qui rend ces personnages si attachants, c’est leur authenticité profonde. Loin des clichés et des simplifications, l’autrice dépeint des femmes complexes, contradictoires parfois, mais toujours intensément vivantes. Chacune porte, un corps à soi, avec des blessures et des espoirs, des révoltes et des acceptations.
Une cartographie de l’intimité féminine
Pleine et douce se déploie comme une cartographie minutieuse des expériences féminines les plus intimes. Sous couvert d’un récit familial centré sur un baptême, l’auteur aborde frontalement des sujets encore trop souvent tabous : le couple, les règles, la ménopause, la PMA, la maladie ; et bien sûr, la maternité dans toutes ses variations.
Le corps féminin est au centre de cette exploration : corps qui saigne, corps qui nourrit, corps qui souffre, corps qui jouit. Pourtant, loin de n’être qu’un objet d’étude clinique, ce corps est toujours habité, toujours vécu de l’intérieur. L’autrice aborde l’émancipation et la libération du corps, et sa place dans le monde actuel.
Plus qu’un simple catalogue d’expériences féminines, ce premier roman propose une véritable réflexion sur ce que signifie être femme aujourd’hui. La maternité alternative qu’incarne Stéphanie devient ainsi l’emblème d’une féminité en reconstruction. Ainsi que la construction d’une famille nouvelle génération, qu’ils forment avec Greg et Ève.
Camille Froidevaux-Metterie démontre avec ce premier livre que son talent ne se limite pas à l’essai philosophique. Elle vient libérer la parole des femmes, comme une révolution du féminin. Ainsi ce récit choral, porté par des personnages mémorables et les enjeux des combats féministes, nous offre bien plus qu’une simple histoire familiale. Elle analyse et invite à une réflexion profonde sur nos corps, nos relations et notre rapport au monde. En transposant ses réflexions féministes dans l’univers de la fiction, elle crée une œuvre inspirante à l’écriture fine et chaleureuse. En refermant ce livre, je me suis sentie bousculée, par ces voix de femmes qui résonnent avec tant d’authenticité. Ce premier roman m’a habité après la dernière page, comme une mélodie dont les notes continuent de vibrer. Et j’espère qu’il fera le même effet aux différents lecteurs qui le liront.
Dites-moi en commentaires si vous l’avez déjà lu, ou s’il vous donne envie !
Laisser un commentaire